Catalogue 2023 : science et art

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Nombreuses sont actuellement les initiatives regroupées sous la dénomination « Science et Art ».
Sont-elles destinées à réconcilier les sciences et les arts ? À les faire converger ?
Victor Hugo le notait : « entre l’Art et la Science, signalons une différence radicale. La science est perfectible ; l’art, non1. » et il insiste :
« Un chef-d’œuvre existe une fois pour toutes. Le premier poète qui arrive, arrive au sommet. Vous monterez après lui, aussi haut, pas plus haut. Ah ! tu t’appelles Dante, soit ; mais celui-ci s’appelle Homère. (…)
Le progrès, but sans cesse déplacé, étape toujours renouvelée, a des changements
d’horizon. L’idéal, point. (…)
Or le progrès est le moteur de la science ; l’idéal est le générateur de l’art.
C’est ce qui explique pourquoi le perfectionnement est propre à la science, et n’est point propre à l’art.
Un savant fait oublier un savant ; un poète ne fait pas oublier un poète. (…)
L’art, en tant qu’art et pris en lui-même, ne va ni en avant, ni en arrière. (…)
La science cherche le mouvement perpétuel. Elle l’a trouvé ; c’est elle-même. (…)
La science fait des découvertes, l’art fait des oeuvres. La science est un acquêt de l’homme, la science est une échelle, un savant monte sur l’autre. La poésie est un coup d’aile. (…)
La science va sans cesse se raturant elle-même. Ratures fécondes. (…)
La science est l’asymptote de la vérité. Elle approche sans cesse et ne touche jamais. (…)
Rien de pareil dans l’art. L’art n’est pas successif. Tout l’art est ensemble. (…)
Oui, et nous revenons souvent, et nous reviendrons encore sur cet encouragement nécessaire, stimulation c’est presque création ; oui, ces génies qu’on ne dépasse point, on peut les égaler.
Comment ? En étant autre. »


Comme le dit très justement Jean-Marc Lévy-Leblond2, la séparation de ces deux domaines est la condition même de leurs existences, de leurs vies, de leurs évolutions ; ils peuvent se nourrir l’un(e) l’autre justement grâce à la distance qui les sépare : ils convergent et divergent à la fois, peuvent s’emprunter, se répondre, s’éclairer, s’apporter. S’ils peuvent utiliser réciproquement les outils qu’ils forgent, ils sont essentiellement différents dans leurs activités, pratiques, statuts, économies, échelles et reconnaissances.

Ces sont ces convergences/divergences, ces utilisations réciproques de techniques, ces éclairages différents, leurs évolutions dans l’histoire que ce catalogue « Science et Art », explore. Ces problématiques sont développées dans un nombre conséquent de livres publiés actuellement : il convient de les classer, de les critiquer, en sachant que nous ne pouvons atteindre – et de loin- l’exhaustivité.
Vous trouverez dans ces recensions des œuvres littéraires dans lesquelles la science est présente, des livres qui rendent compte de la présence de la science dans les Beaux-Arts, d’autres encore qui se focalisent sur des artistes ayant développé des intersections entre les deux domaines. Certains montrent comment des laboratoires soumettent les œuvres à la question, permettent d’aller toujours plus loin dans l’étude des créations, de leurs histoires, permettent de les restaurer.
D’autres livres montrent comment peinture, architecture, musique utilisent et nourrissent, en une fécondation réciproque, mathématiques, physique, chimie, biologie et techniques. Comme le furent en leurs temps la photographie et le cinéma, nés de l’appropriation par des artistes de techniques nouvelles, notre époque voit se développer, avec le numérique notamment, de nouveaux domaines artistiques : les livres en rendent compte et les explorent.
Et que dire de ces œuvres du passé, qu’elles soient artistiques ou scientifiques ? Au Moyen-Âge, toutes s’inscrivent, différemment, dans de mêmes conceptions philosophiques. Que dire du quattrocento où peintres, architectes et sculpteurs inventent un espace uniforme qui, repris par Copernic, permet une nouvelle représentation du monde, de nouvelles pratiques scientifiques ?
De ce XVIe siècle, où le compter et le mesurer imprègnent les créations, de ce XVIIIe où les présentations des merveilles de la nature sont oeuvres d’art ? Du chimiste Chevreul qui, instruit par les pratiques des tapissiers aux Gobelins, fait entrer dans le domaine des sciences la juxtaposition des couleurs, qui inspire en retour les impressionnistes ? Les arts peuvent donner à voir des sciences, les sciences permettent de nouvelles pratiques. Notre époque contemporaine voit exploser les limites, pas les identités.

C’est tout ce foisonnement que ce livret explore et que vous allez découvrir.
Comme dans les autres catalogues de l’ASEL, notre sélection distingue les livres pour jeunes et ceux pour lycéens et adultes. Dans ceux-ci, elle écarte les ouvrages universitaires et mêle les niveaux de lectures : néophytes, curieux, passionnés y trouveront, nous l’espérons, leur miel.

Documentalistes, bibliothécaires et libraires les tiennent à votre disposition.
Bonnes découvertes, bonnes lectures !


Bernard Maitte
Professeur émérite à l’université de Lille

  1. Toutes les citations de V. Hugo sont tirées de son William Shakespeare (1864).
    https://fr.wikisource.org/wiki/William_Shakespear»_Victor_Hugo)
  2. Jean-Marc Lévy-Leblond, La science n’est pas l’art, brèves rencontres, Paris, Hermann, 2010.